Conseils

L’évolution professionnelle

Si les concepts de développement, de parcours, de transition, de mobilité, de reconversion/ Professionnel bénéficient de multiples définitions et déclinaisons, celui d’évolution professionnelle reste flou, englobant  des composantes et des nuances très diversifiées : de la progression à la transformation progressive, de la transformation au changement de la situation d’un actif en emploi, voire à la reconversion, ce concept rejoint celui de mobilité, qu’elle soit interne ou externe à l’entreprise, horizontale (changement de poste) ou verticale (promotion).

Si les personnes rencontrées expriment volontiers leur malaise, leur mal-être au travail, peu expriment leur besoin en termes stricts d’évolution professionnelle. En effet, si c’est l’un des objectifs implicites, il est relativement peu présent dans le déclaratif de la demande affichée en début d’accompagnement, car souvent les personnes n’identifient pas les pistes d’évolution professionnelle à leur portée et quelquefois ne les « voient » même pas.

Souvent, la voie possible d’évolution professionnelle n’est perçue que dans un processus de mobilité externe et l’une des tâches du conseiller consiste à aider la personne à saisir et à comprendre la diversité des voies d’évolution professionnelle, notamment dans le cadre d’une mobilité interne. et d’entrevoir avec elle si toutes les possibilités  sont « épuisées ». C’est ce travail à deux qui va permettre à la personne de sortir de l’implicite et d’exprimer un souhait d’évolution professionnelle.

 

Des personnes souhaitant obtenir un nouvel emploi (dans leur entreprise ou en mobilité externe)

Les salariés fragilisés accompagnés,  sont presque toujours dans une double problématique, comme par exemple la  construction d’un nouveau projet professionnel et la recherche d’un emploi autre. L’accompagnement mis en place dans le réseau des MIFE peut répondre à cette double exigence imposée par la fragilisation des salariés rencontrés. En effet, ils peuvent à la fois s’engager dans un processus d’élaboration d’un nouveau projet professionnel et parallèlement activer une recherche d’emploi, basée sur la  connaissance du territoire et des secteurs d’activités, des métiers et des éléments de prospective socio-économiques. Du fait de la crise actuelle, la recherche d’emploi est parfois difficile car elle suppose un ciblage des entreprises et des marchés notamment pour des salariés qui s’avouent peu compétents car en menace de rupture d’emploi, parfois après des phases de travail sans interruption de plusieurs dizaines d’années (menace de licenciement économique, chômage partiel…), ce qui les a souvent considérablement éloignés des nouvelles techniques de recherche d’emploi. Pour ces personnes, dont le désarroi est souvent profond, l’accompagnement / GPP permet d’envisager plus sereinement l’ensemble des possible : « Je voulais surtout savoir ce que je pourrais faire après mon contrat, parce qu’ils ne vont pas me garder à l’hôpital, je pense. J’aimerais bien  y rester… S’ils ne me gardent pas à l’hôpital, je pourrai postuler dans les crèches et dans les Maisons de retraite, avec cette formation. Je trouverai peut être du travail plus facilement… Maintenant,  je me sens plus capable pour trouver du travail ailleurs. Mes enfants m’encouragent, ils me disent que je dois me lancer, que je ne suis pas trop vieille». (monographie Julia)

L’accompagnement combat cette idée largement étendue qu’après 30 ans les opportunités de changement deviennent impossibles mais au contraire tente par tous les moyens de convaincre que tout au long de la vie, il est possible d’évoluer, de se former.

 

Des personnes aux expériences professionnelles discontinues souhaitant stabiliser leur parcours par une mobilité externe ou interne

Nous distinguons les notions de stabilisation, correspondant à une typologie de parcours bien connue depuis près de trente ans, qui caractérise non seulement  l’entrée sur le marché de l’emploi d’un grand nombre de  jeunes de manière précaire et subie, mais aussi le choix de certains de ne pas  se lier à une entreprise ou à un poste . Ce concept de stabilisation rejoint évidemment celui plus large et global de sécurisation des parcours, que nous déclinerons plus loin. On peut voir dans l’exemple de Thierry (monographie Thierry), les nombreux aller et retours d’un parcours non linéaire et l’importance d’un  accompagnement  étalé dans le temps. En effet, trop d’expériences professionnelles diversifiées voire disparates engendrent une insécurité personnelle pouvant annihiler le désir d’évolution professionnelle parce que la personne ne conscientise pas sa valeur professionnelle. Pour ce salarié aux multiples expériences, « l’accompagnement a permis de reprendre confiance, d’être soutenu dans  ses démarches de recherche d’emploi plus épanouissant et de l’aider dans son souhait d’évolution professionnelle »

 

Des personnes souhaitant se reconvertir dans un autre métier (reconversion professionnelle choisie)

Les reconversions professionnelles peuvent être une étape dans un processus d’évolution professionnelle, ce qui est devenu fréquent pour les personnes en deuxième partie de carrière qui articulent souvent leur nouveau projet autour d’un désir qui est parfois ancien et qui s’exprime  par quelques éléments très généraux de type : « Je voulais faire un bilan sur mes compétences personnelles et professionnelles, savoir si ça pouvait coller avec mon projet de travailler dans le social. Je voulais  être sûre de ne pas me tromper ». (monographie Geneviève)

Les monographies montrent que la volonté de réorientation, de reconversion choisie et librement décidée, constituent les problématiques les plus fréquemment rencontrées, dans le déclaratif du premier rendez-vous. On peut trouver plusieurs raisons à ce constat  : d’une part, la MIFE est un interlocuteur lisible dans cette problématique ; d’autre part, les politiques publiques mises en place depuis plusieurs années autour de la Formation Tout au Long de la Vie commencent à porter leurs fruits auprès  de personnes de plus en plus nombreuses à vouloir mobiliser des outils pour changer de métier ou évoluer vers des métiers connexes ; enfin certaines professions ou certains secteurs d’activité apparaissent davantage soumis à des nécessités de changement impactant les parcours du fait de l’allongement de la vie professionnelle (secteur de la santé, bâtiment, services à la personne..).

La reconversion ou la réorientation professionnelle a toujours été une solution pour tous ceux qui vivent une difficulté dans leur vie professionnelle (souffrance au travail, absence d’évolution professionnelle, problème de communication avec l’entourage professionnel, manque de reconnaissance par le management…).

Aussi, dans l’accompagnement, il est capital de resituer la demande de la personne dans la perspective de son environnement de travail pour explorer avec elle ses « aires de mobilités », lui permettre d’entendre que les organisations de travail changent et évoluent comme elle, qu’elle a une place à prendre, un rôle à jouer dans cet environnement parfois déstabilisant parfois en apparence insécurisant.

 

Des personnes cherchant à exercer différemment leur métier (senior, TH…)

Certains aléas ou accidents de la vie nécessitent des changements dans la trajectoire professionnelle, pouvant aller jusqu’à la reconversion comme on l’a vu précédemment. Il existe cependant des solutions qui permettent de rester dans la voie ou le métier que l’on a choisi, en reconsidérant l’activité (changement de poste, évolution dans la manière d’exercer le métier (consulting ou temps partagé pour les séniors).

Par exemple, pour cette salariée du secteur de la santé,  en tant que kinésithérapeute (monographie 11/Ingrid), qui après un accident grave, est devenue inapte pour exercer son métier à l’hôpital et pour qui aucun reclassement n’a été possible à l’interne. Au moment de son passage à la MIFE, elle avait perdu tout repère et ne voyait aucun avenir professionnel pour elle. Ayant pu élaborer un nouveau projet professionnel, elle s’est engagée dans des vacations salariales dans les organismes de formation du secteur santé, comme le rapporte la conseillère ayant réalisé la monographie : « Elle a fini par opter pour la solution des vacations salariales. Elle travaille dans la formation auprès des anciens organismes qu’elle avait déjà dans son réseau. Les écoles de kinésithérapie, d’infirmières, d’aides-soignantes ». Elle a ainsi pu «trouver une autre posture en utilisant les compétences acquises» pour se remettre en situation de travail. L’idée-force ici, est de réinvestir une autre posture dans la même activité mais qui va permettre d’exercer différemment son métier afin que cette activité soit en adéquation avec les capacités personnelles (temps de travail, modalités de l’exercice de l’activité…). On constate fréquemment dans les témoignages, que les phases de la vie, avec leurs aléas, ont un impact très important sur la nature et le contenu du travail, les rythmes qu’il impose, les choix de vie qu’il suppose. De même, indépendamment de ces changements, un même métier n’a pas les mêmes représentations pour chaque individu et comme le soulignait Geneviève Latreille,  un métier se trouve et se crée.  La façon d’exercer son métier diffère d’une personne à l’autre et les besoins d’évolution sont propres à chaque personne.

Dans cette problématique, il s’agit d’aider la personne à reconsidérer son activité sous un angle nouveau en l’articulant à un choix de vie, à une nouvelle manière d’envisager le service que l’on va rendre, à des impossibilités qui exigent parfois d’être plus créatif dans sa manière d’envisager le fait d’exercer son métier. Les seniors sont précisément dans ce questionnement lorsqu’ils souhaitent conserver un métier, mais sans ses aspects stressants ou pénibles, par exemple les cadres trouvent des solutions dans le consulting ce qui leur permet d’avoir un rythme personnalisé tout en offrant leur expertise. Le télétravail réserve certainement des opportunités nouvelles dans cette perspective et il est important de procéder pendant l’accompagnement, à une exploration et à une mise à plat qui va permettre de trouver des pistes nouvelles et peut-être en adéquation avec les nouvelles contraintes de la personne.

 

Des personnes souhaitant créer leur activité

Dans cette problématique d’évolution professionnelle, la création d’activité est souvent une réponse pertinente suggérée parfois par le salarié lui-même, mais souvent à partir de l’accompagnement GPP  : la personne exprime un besoin d’évoluer via une prise de responsabilité ou à partir d’une expertise dans un métier. Elle sait que son choix exige un accompagnement d’orientation, de l’idée au projet, avant tout accompagnement spécifique mais souvent n’identifie pas vraiment les acteurs ni la manière précise dont ceux-ci peuvent l’aider.  Les MIFE ont développé une expertise dans les outils d’orientation vers la création d’activité, notamment via l’outil BALISE[3]. De par leur expertise, les MIFE accueillent de plus en plus de créateurs d’entreprises potentiels. Un des points saillants des témoignages réside dans l’objectivation du projet professionnel, ce qui est nettement identifiable dans ces projets de création d’entreprise. Le conseiller est souvent une personne aidante au long court, que l’individu continuera de voir de manière plus espacée mais sur des périodes parfois longues : « Au fil des séances, son idée finit par prendre corps. Elle est bien loin de l’idée grandiose du départ mais celle qu’elle tient et qu’elle voit se réaliser est plus pragmatique et surtout elle est capable de le porter… Ce n’est plus une simple idée ou un rêve, aujourd’hui je l’ai construit, dit –elle extasiée. Il existe ! ». (monographie Myriam)

En effet, depuis quelque 15 années de développement des dispositifs publics d’appui à la création d’activité et dans les périodes de crise, les personnes menacées ou peu sécurisés dans leur emploi sont plus nombreuses à souhaiter creuser cette piste dans l’éventail de celles qui sont à leur disposition. De plus le statut d’auto entrepreneur, sur lequel les pouvoirs publics ont beaucoup communiqué en relevant son aspect facilitateur, a pour conséquence sans doute de multiplier les idées, voire les rêves de création d’activité.

Mais si le rêve est accueilli dans la phase d’exploration, le projet doit s’inscrire dans une faisabilité : « Avec le conseiller, nous avons défriché ce vaste champ d’idées pour ne retenir que quelques unes qui étaient viables et surtout qui convenaient au démarrage de ma structure, à mes capacités de gestion aussi. Ainsi l’activité d’organisatrice d’évènements  que j’imaginais prendre  tout en charge du début à la fin, s’est vue restreindre à l’organisation simple de l’évènement sans tout ce qui pourrait être associé comme le buffet ou la location de la salle. En somme, je ne me fais payer que mes services et cela réduit énormément la charge de travail qu’aurait été la mienne s’il avait fallu décider du menu avec un traiteur à  trouver par mes  soins, décider avec la mariée par exemple des dragées… ». (monographie Myriam)

Et ce projet s’est avéré être un bon projet, qui a remporté un prix au concours Défi Jeune : « j’ai remporté un prix qui m’aidera à financer mon entreprise. Avoir été lauréate,  me donne aussi plus d’assurance pour la suite. En effet, il y a d’autres personnes qui trouvent mon projet ambitieux et viable!» (idem).

Dans cet exemple, est illustré le processus d’orientation vers la création  d’activité, qui ne débouche pas toujours sur un projet effectif : « La personne ne réalise l’ampleur de la tâche qu’au moment où face au conseiller, elle doit  mettre des mots sur ses ambitions »…Le conseiller a un regard extérieur, un point de vue en retrait que la personne peut juger sévère. Pourtant, force lui est de reconnaître qu’il avait pour but de la préserver des illusions dont elle s’entourait. Elle dira à ce propos : « C’est difficile d’accepter que l’on est entrain de se mettre le doigt dans l’œil surtout lorsqu’il s’agit d’un projet qui nous tient à cœur, et auquel on pense depuis un moment » (idem).

Ce travail de mise à plat et d’approfondissement dans le temps permet à la personne de repartir sur d’autres modalités d’emploi en ayant creusé son rêve, sa motivation et en l’ayant confronté à la réalité. Sur les personnes qui suivent cette voie d’orientation avec la MIFE et l’outil Balise, si 25% vont réellement vers la création, 75% sont redynamisés vers un autre projet professionnel, en ayant vidé la baudruche d’un rêve non adapté à soi et à son environnement.