Elles sont transverses car elles sont présentes tout au long des parcours présentés dans les monographies et se superposent. L’accompagnement MIFE est efficace dans la mesure où il répond à l’ensemble des problématiques rencontrées. En effet, une personne peut-être comme dans l’une des monographies « une femme en retour de congé parental-qui a un besoin de travailler-qui pâtit d’une orientation initiale déficiente -mais qui peut retrouver des appuis dans son retour dans l’emploi dans la mise en place d’une démarche VAE… »
Dans tout accompagnement, il existe des enjeux à court terme voire à très court terme, comme l’emploi, et des enjeux à moyen et long terme qui constituent des étapes d’un projet professionnel qui s’élabore, mais qui peuvent se contrarier : par exemple, la personne peut vouloir évoluer vers un autre métier et donc avoir besoin et l’occasion de se former mais ne peut, dans la conjoncture, refuser un travail dans son domaine d’activité ; elle doit donc surseoir pour un temps plus ou moins long son projet et il lui est plus facile de tenir ce choix en étant accompagnée.
Notons aussi qu’il est parfois difficile de « catégoriser » les parcours des personnes. Par exemple un refus de mobilité géographique ou un refus d’évolution professionnelle vers un poste d’encadrement évolue parfois vers un licenciement pour lequel il est difficile de dire s’il est en réalité subi ou choisi. Il s’agit en effet, on le constate plus tard, d’une première étape (souvent non consciente) vers la construction d’un nouveau projet professionnel dont la nécessité et les contours s’exprimeront ultérieurement. C’est là aussi qu’il est nécessaire de prendre en compte la dimension temporelle d’un projet.
La recherche d’emploi
L’emploi est la finalité majeure de toute demande d’orientation et d’accompagnement et de sa réponse à la MIFE, la Guidance Professionnelle personnalisée, que ce soit l’accès, le changement, l’évolution ou la création d’emploi. Les MIFE sont outillées pour accompagner les demandeurs d’emploi et les salariés fragilisés dans leur recherche d’emploi. Cependant, une grande partie des projets quels qu’ils soient, achoppe à un moment donné, sur la nécessité de trouver un nouvel emploi et par conséquent il s’agit aussi de s’armer dans cette recherche, en relais avec les autres acteurs (Pôle emploi…).
Les projets et les plans d’action desdits projets doivent prendre en compte cet élément non seulement à court et moyen terme mais aussi souvent dans l’urgence, à partir des aléas de la vie et du parcours professionnel. Il s’agit de l’intégrer pour articuler au mieux les différentes étapes du projet professionnel et d’utiliser aussi efficacement que possible cette étape dont on ne peut faire l’économie.
Dans perspective de sécuriser le parcours de l’accompagné, qui reste à l’esprit de conseiller, l’emploi que l’on doit garder ou que l’on doit trouver est une des dimensions prégnantes du projet professionnel et l’on retrouve le travail combinatoire dont on a déjà parlé.
Les demandeurs d’emploi et les « intermittents chômage/emploi »sont évidemment plus concernés par cette problématique dans laquelle on va également chercher cette combinatoire qualitative en essayant de maintenir la cohérence du processus d’accompagnement (outils mobilisés, coordination des acteurs, réponses individualisées, sécurisation du parcours…) :« Sa demande lors du premier contact avec la MIFE est qu’on l’aide à trouver un emploi rapidement. Très vite elle a un rendez-vous individuel avec une conseillère qui la suit tout au long de son parcours par la suite. De juin à novembre, elle rencontre la conseillère six fois en entretien individuel et participe assidument à l’atelier permanent de recherche d’emploi animé par la même conseillère. Elle bénéficie de quatre mises en relation avec des offres. La première mise en relation a lieu au bout de 3 jours et elle est recrutée immédiatement : il s’agit d’un CDD de 2 mois puis d’un CDD de 6 mois .Elle a chaque fois été aidée pour la mise en valeur de sa candidature » (monographie Françoise). Cette femme de 56 ans cumule également un manque d’actualisation de ses compétences et un statut de senior. A la problématique de recherche de formation, s’ajoute celles de l’emploi et de la spécificité de l’âge. On voit là l’importance de l’accompagnement pas à pas dans les démarches, jugulant le découragement et l’isolement.
La sécurisation professionnelle
L’expression de sécurisation des parcours, devenu un concept « valise » et utilisé jusqu’à l’usure aujourd’hui par les media et les professionnels de la formation et de l’emploi, n’est pas encore courant dans les propos des personnes interviewées. Si la demande de sécurisation du parcours n’est donc pas explicite, on constate néanmoins que la personne perçoit clairement et exprime que son emploi, pour des raisons diverses et variées la fragilise ou la précarise. Cela est d’autant plus évident pour des personnes conscientes de l’importance de l’actualisation de leurs compétences ou du fait qu’elles se trouvent sur un marché très concurrentiel (notamment pour les salariés des grandes entreprises dont la tendance est à la délocalisation) mais aussi pour les salariés « intermittents emploi/chômage » qui ne sont par définition pas « sécurisés » dans leur emploi, si tant est que l’on puisse l’être aujourd’hui en cette période de crise.
C’est un concept qui n’est pas encore maîtrisé par les différents publics ni d’ailleurs par tous les professionnels qui ont dû faire face à plusieurs décennies de chômage endémique et massif au cours desquelles ils ont eu pour mission de trouver des solutions rapides et conjoncturelles en procédant à un traitement social du chômage, sans véritablement se consacrer à traiter un certain nombre de problèmes par anticipation. D’une part, les publics comme les entreprises n’étaient pas demandeurs, devant faire face pour les uns à l’urgence d’un retour à l’emploi et pour les autres à réduire la masse salariale, et d’autre part, les professionnels Emploi/Formation étaient souvent peu enclins à se situer dans une perspective à moyen ou long terme pour les raisons historiques et culturelles évoquées plus haut.
Aujourd’hui, il semblerait que la donne ait changé. Bien que la récente crise de 2008 continue ses dommages, l’ensemble des acteurs et notamment les entreprises sont de plus en plus sensibilisés à la nécessité d’entreprendre ce travail anticipatif qui permet de gérer les ressources humaines d’une manière plus clairvoyante, plus utile pour l’entreprise et qui plus est, potentiellement source de business pour celle-ci. En effet, l’idée que la Ressource Humaine, « RH », soit au final la ressource principale et primordiale commence à faire son chemin. Le salarié encore peu sensibilisé à cette manière d’envisager son parcours professionnel à court mais aussi à moyen et long terme doit pouvoir bénéficier d’une sensibilisation, voire d’une éducation, à cette approche qui va lui permettre de conscientiser et se réapproprier son devenir professionnel en mobilisant les outils à sa disposition en temps voulu.
A cet égard, l’accompagnement GPP, particulièrement anticipateur réalisé par les MIFE est d’autant plus utile qu’il est réalisé en amont d’un incident de vie professionnelle, notamment un licenciement, car il permet de s’appuyer sur le travail déjà réalisé autour du projet professionnel pour s’adapter à la situation de crise.
Il faut rappeler que ces monographies de parcours ont été réalisées juste avant la crise de 2008 alors qu’aujourd’hui, la question de la sécurisation se pose d’une manière plus prégnante dans les accompagnements.
La mobilité professionnelle
Dès lors que l’on évolue vers un autre poste, que l’on change de métier et d’activité professionnelle, d’entreprise ou de lieu de travail, on est dans un processus de mobilité professionnelle qui se généralise aujourd’hui par le fait des évolutions et des mutations rapides dans les entreprises. On observe ce processus dans l’ensemble des monographies, ce qui témoigne de la rapidité des changements de la vie professionnelle. En effet, ces témoignages font comprendre l’urgence d’être bien préparé pour anticiper et de faire preuve d’adaptabilité. Comme pour la sécurisation professionnelle, les conseillers de l’AIO doivent sensibiliser, informer voire éduquer les publics afin de les convaincre de la nécessité d’être en capacité de démontrer cette « plasticité » ou éducabilité.
La sédentarité professionnelle n’est plus d’actualité et les conseillers du réseau des MIFE sont outillés pour répondre à cette problématique. Nous pouvons citer également les outils d’exploration de métiers tels que Pass ‘Avenir ou de transférabilité des compétences tels que « Transférence» qui sont des outils d’exploration et développant les capacités d’anticipation appréciés des personnes accompagnées.
Pour les conseillers, la mobilité professionnelle n’est pas seulement un enjeu d’une nouvelle réalité du monde du travail mais elle relève d’une posture choisie qui montre son efficacité et sécurise les personnes dans leurs trajectoires professionnelles. Pour les personnes n’ayant pas connu de difficultés en début de parcours professionnel et ayant vécu une mobilité choisie, l’incidence du chômage s’avère très déstabilisante : « comme tout mon parcours a toujours été fluide, sans problème pour passer d’un emploi à un autre, je voulais tout et tout de suite. J’ai toujours tout enchaîné sans période de chômage ». Le fait que sa recherche d’emploi tarde à aboutir la déstabilise et lui fait petit à petit perdre le peu de confiance qu’elle a en elle et en son projet…Réaliser son projet professionnel lui tient à cœur mais elle se heurte à la dure réalité du marché de l’emploi : une formation mais aucune expérience professionnelle l’amène à penser qu’elle a fait de mauvais choix. Comment faire : « où chercher ? Comment mener mes recherches d’emploi ? Dois-je envisager une autre formation ? » (monographie Laura). L’accompagnement permet alors de mettre à plat l’ensemble des possibles, d’élaborer un plan d’action et de sécuriser les démarches.