Alors que la ministre du Travail s’est engagée à transposer dans la loi l’ANI (accord national interprofessionnel) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés qui prévoit une négociation triennale distincte sur l’emploi des seniors, Réalités du dialogue social (RDS) et le cabinet Plein Sens publient un addendum à leur Vadémécum « Mener les négociations en entreprise sur les travailleurs expérimentés » qui analyse le contenu de l’ANI.
Par Valérie Grasset-Morel – Le 03 février 2025. Le quotidien de la formation
La présentation de cet addendum a été l’occasion d’un échange avec certains de ses auteurs sur les enjeux de ces négociations, en particulier la formation des seniors.
Engager tous les trois ans une négociation distincte sur les séniors et non plus dans le cadre de la négociation relative à la GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) et à la mixité des métiers va devenir une obligation pour les entreprises d’au moins 300 salariés. C’est ce que prévoit l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés signé par la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO, ainsi que par le Medef, la CPME et l’U2P. Toutefois, cet accord est suspendu à une transposition législative que la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet s’est engagée à faire.
L’avis d’extension de l’ANI publié au JO (Journal officiel) le 22 janvier est la première étape de cette reconnaissance. « La ministre nous a confirmé qu’elle travaillait à la transposition de l’ANI dans un projet de loi », déclare Patricia Drevon, secrétaire confédérale de FO, le 30 janvier 2025 à l’occasion de la présentation par Réalités du dialogue social (RDS) et le cabinet Plein Sens du Vadémécum « Mener les négociations en entreprise sur les travailleurs expérimentés », élaboré avant la conclusion de l’ANI seniors et complété après par un addendum décryptant le contenu de l’accord.
Les seniors sur le porte-bagage des retraites
« Depuis 2010, on ne traite les seniors que sur le porte-bagage des retraites », relève Olivier Mériaux, directeur des études & synthèses de Plein Sens et co-auteur d’un rapport sur l’emploi des seniors remis au gouvernement en janvier 2022. « De plus, dit-il, on oscille entre des périodes de grand volontarisme en faveur des seniors (celle qui a abouti à la création du contrat de génération par exemple), et des périodes de laisser aller donnant aux entreprises la liberté de ne rien faire. » Le vadémécum de RDS et Plein Sens vise précisément à rendre les entreprises proactives dans le cadre d’un dialogue social volontaire. « Il faut que l’entreprise évolue et que l’expérience soit reconnue comme un atout et non comme un fardeau », ajoute Olivier Mériaux.
Plusieurs thèmes de négociation sont à revisiter au regard de l’allongement des carrières. Le vadémécum en retient quatre dont l’évolution des carrières et le développement des compétences (accès à la formation, reconversion, accompagnement dans la projection de la suite de la carrière professionnelle). « On peut être sénior et avoir envie d’évoluer professionnellement ou d’acquérir de nouvelles connaissances », souligne Dominique Gilsanz, directrice transformation RH, engagement et diversité du Groupe VYV (acteur mutualiste de santé et de protection sociale, 45.000 collaborateurs) qui a participé à l’élaboration du vadémécum.
L’accès à la formation des salariés expérimentés
Sur la base de ce document, elle a défini pour son groupe une politique séniors qui au-delà des enjeux autour de la santé, de l’amélioration des conditions de travail et de la préparation à la retraite, traite de l’évolution de carrière et du développement des compétences. « Nous suivons, par exemple, de très près le taux d’accès à la formation des salariés de plus de 55 ans. Il est aujourd’hui de 67 % mais on peut encore l’améliorer », indique Dominique Gilsanz. Elle prône également la valorisation de l’expérience et « tout ce qui tourne autour du tutorat des alternants ». Et pour lutter contre l’âgisme encore bien prégnant, le Groupe VYV va lancer en mai 2025 un module sur les stéréotypes liés l’âge et la complémentarité des générations en entreprise.
Selon Patricia Drevon, « il est indispensable de retravailler la question de la formation tout au long de la vie pour réussir à maintenir les seniors en emploi, et celle des reconversions professionnelles, en concertation avec le Gouvernement ou dans le cadre d’un nouvel ANI ». La négociation sur « un nouveau pacte de la vie au travail » qui a échoué au printemps 2024 allait en effet plus loin sur ces sujets que l’ANI signé en novembre dernier. « Il faut que les entreprises acquièrent une vraie maturité sur ces questions », ajoute la représentante de FO qui déplore « un déficit assez grave sur [le] périmètre » de la formation et de la reconversion des seniors.

