Les impacts de l’IA générative sur l’emploi et le travail

Le think tank, Terra Nova, vient de publier une note intitulée « Ce que l’IA générative fait au travail et à l’emploi ». L’IA générative (IA Gen) est une intelligence artificielle capable de créer des contenus originaux (texte, images, vidéo, audio et/ou code logiciel) en réponse à la requête d’un utilisateur.

Partant de cas concrets déjà déployés sur le terrain, ce document présente les impacts positifs de l’IA Gen sur l’emploi et le travail et propose des pistes d’action pour que cette technologie devienne un levier de transformation et d’amélioration des parcours professionnels.

Sont ainsi recensées des expérimentations ayant, selon les experts, favorisé l’accès au marché du travail, notamment aux publics les plus fragiles, facilité les processus de recrutement et limité les biais des recruteurs. D’autres dispositifs utilisant l’IA Gen ont également permis d’améliorer la qualité de vie au travail en impactant l’organisation du travail par l’optimisation des tâches et la montée en compétences des salariés par l’accélération des apprentissages.

Afin d’exploiter pleinement les opportunités qu’offrent les outils issus de l’IA Gen, cette note propose des pistes d’action à destination des décideurs publics et des entreprises :

  • adapter la formation initiale car le déploiement rapide de l’IA va s’imposer comme un nouveau moyen et un nouvel objet d’enseignement, qui pourrait impliquer une nouvelle hiérarchie des compétences scolaires;
  • développer une offre de formation continue pertinente avec des programmes actualisés et des référentiels intégrant des compétences propres à l’IA, avec des processus de certification souples dans le cadre du RNCP;
  • déployer des modalités pédagogiques plus immersives, pour accroître le recours à la VAE et favoriser l’Afest;
  • stimuler le rôle des branches professionnelles pour contribuer à l’élaboration des politiques sectorielles de formation, essentielles pour aider les PME à opérer leur transition technologique;
  • inciter les entreprises à investir massivement dans la formation professionnelle de leurs salariés et à anticiper les impacts de l’IA sur les compétences, les métiers et l’organisation;
  • mettre à profit « le potentiel inclusif direct et indirect de l’IA Gen » en l’incluant totalement dans le service public de l’emploi et de manière générale pour tous les usagers des services publics.

Consulter la note.

Source : Cap Métiers Nouvelle Aquitaine – 14/02/2025

Certifications professionnelles : évolution de la composition des CPC

À la suite de changements de représentativité des organisations patronales, les commissions professionnelles consultatives compétentes sur les projets de diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l’Etat voient leur composition modifiée.

Par  – Le 29 janvier 2025. Le quotidien de la formation

Ces changements de représentativité découlent notamment du regroupement de certaines organisations patronales, liées au regroupement de branches voulues par les pouvoirs publics.

Un décret n° 2025-64 du 23 janvier 2025 procède à ces ajustements, en modifiant le décret n° 2019-958 du 13 septembre 2019. Il tient également compte des changements de noms de certaines organisations patronales.

Changement de composition des commissions

Le tableau ci-après présente les changements opérés dans les différentes commissions.

Titre de la commission Type de représentant Organisation  patronale anciennement représentée Organisation  patronale nouvellement représentée
Arts, spectacles et médias 

 

Art. R6113-22, 3° du Code du travail Fédération française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, du cadeau des diamants, pierres et perles et activités qui s’y rattachent Confédération nationale de l’horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie
Cohésion sociale et santé Art. R6113-22, 3° du Code du travail Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne non lucratifs Confédération des employeurs du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif
Art. R6113-22, 5° du Code du travail Union syndicale des employeurs de la branche de l’aide à domicile Union syndicale de la branche de l’aide de l’accompagnement des soins et des services à domicile
Construction Art. R6113-22, 5° du Code du travail Fédération du négoce du bois et des matériaux de construction Observatoire prospectif des métiers et des qualifications du bâtiment et des travaux publics (BTP)
Mobilité et logistique Art. R6113-22, 3° du Code du travail Confédération nationale de la mobilité Fédération nationale des transports de voyageurs
Services et produits de consommation Art. R6113-22, 5° du Code du travail  Union des professionnels de la beauté Confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spas
Titre de la commission   Ancien nom de l’organisation   Nouveau nom de l’organisation  
Commerce Art. R6113-22, 5° du Code du travail  Fédération nationale des métiers de la jardinerie Les Jardineries et Animaleries de France
Industrie Art. R6113-22, 3° du Code du travail Conseil National des Professions de l’Automobile. Mobilians – les entreprises de la mobilité
Art. R6113-22, 5° du Code du travail Union des industries chimiques France chimie
Mobilité et logistique Art. R6113-22, 5° du Code du travail Confédération française du commerce de gros et international Confédération des grossistes de France
Services aux entreprises Art. R6113-22, 5° du Code du travail Fédération française des assurances Fédération française de l’assurance
Art. R6113-22, 5° du Code du travail Prisme emploi, professionnels du recrutement et de l’intérim Pris’m emploi
Sport et animation Art. R6113-22, 3° du Code du travail Conseil national des employeurs d’avenir Hexopée

 

Art. R6113-22, 3° du Code du travail : représentants désignés soit par des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et multiprofessionnel, ou au niveau d’une ou plusieurs branches professionnelles, soit par les des organisations représentant les employeurs publics intervenant dans le ou les champs professionnels de la commission professionnelle consultative concernée.

Art. R6113-22, 5° du Code du travail : membres associés n’ayant pas voix délibérative, représentant les organisations intervenant dans les champs professionnels dont relèvent les titres ou diplômes concernés ou ayant une expertise en matière de formation et d’emploi.

Entrée en vigueur

Le décret précise que les mandats des membres actuels des CPC, désignés en application du décret du 13 septembre 2019 dans sa rédaction antérieure, se poursuivent jusqu’à leur terme. Les nouveaux représentants seront alors désignés en tenant compte de la nouvelle composition des CPC issue du décret de 2025.

Rappelons que les membres des commissions sont nommés pour une durée maximale de 5 ans par arrêté ministériel.

Changement de ministères de rattachement

Les commissions professionnelles consultatives sont instituées auprès de plusieurs ministères, selon un périmètre qui permet une analyse des diplômes et titres à finalité professionnelle cohérente en matière d’activité professionnelle et d’organisation économique.  Le décret du 23 janvier 2025 désigne de nouveaux ministères de rattachement pour certaines commissions, et retire leur compétence à certains ministères.

Commerce

Cette commission est instituée auprès du ministre chargé de l’Éducation nationale, du ministre chargé de l’Agriculture, du ministre chargé la Formation professionnelle, du ministre chargé de l’Enseignement supérieur, auxquels s’ajoute désormais le ministère de l’Intérieur.

Industrie

Cette commission est instituée auprès du ministre chargé de l’Éducation nationale, du ministre chargé de la Formation professionnelle, du ministre chargé de l’Enseignement supérieur, du ministre chargé des Armées et du ministre de l’Intérieur, mais plus auprès du ministre de l’Agriculture.

Services aux entreprises

Cette commission est instituée auprès du ministre de l’Intérieur, du ministre chargé des Armées, du ministre chargé de la Formation professionnelle, du ministre chargé de l’Éducation nationale, du ministre chargé de l’Enseignement supérieur, auxquels s’ajoute désormais le ministre chargé des Douanes.

Rappel

Les commissions professionnelles consultatives ministérielles sont composées au moins pour moitié de représentants d’organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel et d’organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou au niveau national et multiprofessionnel. Elles comprennent également des représentants de différents ministères.

Elles examinent les projets de création, de révision ou de suppression de diplômes et titres à finalité professionnelle (hors enseignement supérieur) et de leurs référentiels. Sauf exception, elles donnent un avis conforme sur ces projets.

Décret n° 2025-64 du 23 janvier 2025 modifiant le décret n° 2019-958 du 13 septembre 2019 instituant les commissions professionnelles consultatives chargées d’examiner les projets de création, de révision ou de suppression de diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l’Etat (JO du 21.1.25)

Seniors : l’évolution des carrières et la formation, un thème de négociation à revisiter

Alors que la ministre du Travail s’est engagée à transposer dans la loi l’ANI (accord national interprofessionnel) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés qui prévoit une négociation triennale distincte sur l’emploi des seniors, Réalités du dialogue social (RDS) et le cabinet Plein Sens publient un addendum à leur Vadémécum « Mener les négociations en entreprise sur les travailleurs expérimentés » qui analyse le contenu de l’ANI.

Par  – Le 03 février 2025. Le quotidien de la formation

La présentation de cet addendum a été l’occasion d’un échange avec certains de ses auteurs sur les enjeux de ces négociations, en particulier la formation des seniors.

Engager tous les trois ans une négociation distincte sur les séniors et non plus dans le cadre de la négociation relative à la GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) et à la mixité des métiers va devenir une obligation pour les entreprises d’au moins 300 salariés. C’est ce que prévoit l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés signé par la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO, ainsi que par le Medef, la CPME et l’U2P. Toutefois, cet accord est suspendu à une transposition législative que la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet s’est engagée à faire.

L’avis d’extension de l’ANI publié au JO (Journal officiel) le 22 janvier est la première étape de cette reconnaissance. « La ministre nous a confirmé qu’elle travaillait à la transposition de l’ANI dans un projet de loi », déclare Patricia Drevon, secrétaire confédérale de FO, le 30 janvier 2025 à l’occasion de la présentation par Réalités du dialogue social (RDS) et le cabinet Plein Sens du Vadémécum « Mener les négociations en entreprise sur les travailleurs expérimentés », élaboré avant la conclusion de l’ANI seniors et complété après par un addendum décryptant le contenu de l’accord.

Les seniors sur le porte-bagage des retraites

« Depuis 2010, on ne traite les seniors que sur le porte-bagage des retraites », relève Olivier Mériaux, directeur des études & synthèses de Plein Sens et co-auteur d’un rapport sur l’emploi des seniors remis au gouvernement en janvier 2022. « De plus, dit-il, on oscille entre des périodes de grand volontarisme en faveur des seniors (celle qui a abouti à la création du contrat de génération par exemple), et des périodes de laisser aller donnant aux entreprises la liberté de ne rien faire. » Le vadémécum de RDS et Plein Sens vise précisément à rendre les entreprises proactives dans le cadre d’un dialogue social volontaire. « Il faut que l’entreprise évolue et que l’expérience soit reconnue comme un atout et non comme un fardeau », ajoute Olivier Mériaux.

Plusieurs thèmes de négociation sont à revisiter au regard de l’allongement des carrières. Le vadémécum en retient quatre dont l’évolution des carrières et le développement des compétences (accès à la formation, reconversion, accompagnement dans la projection de la suite de la carrière professionnelle). « On peut être sénior et avoir envie d’évoluer professionnellement ou d’acquérir de nouvelles connaissances », souligne Dominique Gilsanz, directrice transformation RH, engagement et diversité du Groupe VYV (acteur mutualiste de santé et de protection sociale, 45.000 collaborateurs) qui a participé à l’élaboration du vadémécum.

L’accès à la formation des salariés expérimentés

Sur la base de ce document, elle a défini pour son groupe une politique séniors qui au-delà des enjeux autour de la santé, de l’amélioration des conditions de travail et de la préparation à la retraite, traite de l’évolution de carrière et du développement des compétences. « Nous suivons, par exemple, de très près le taux d’accès à la formation des salariés de plus de 55 ans. Il est aujourd’hui de 67 % mais on peut encore l’améliorer », indique Dominique Gilsanz. Elle prône également la valorisation de l’expérience et « tout ce qui tourne autour du tutorat des alternants ». Et pour lutter contre l’âgisme encore bien prégnant, le Groupe VYV va lancer en mai 2025 un module sur les stéréotypes liés l’âge et la complémentarité des générations en entreprise.

Selon Patricia Drevon, « il est indispensable de retravailler la question de la formation tout au long de la vie pour réussir à maintenir les seniors en emploi, et celle des reconversions professionnelles, en concertation avec le Gouvernement ou dans le cadre d’un nouvel ANI ». La négociation sur « un nouveau pacte de la vie au travail » qui a échoué au printemps 2024 allait en effet plus loin sur ces sujets que l’ANI signé en novembre dernier. « Il faut que les entreprises acquièrent une vraie maturité sur ces questions », ajoute la représentante de FO qui déplore « un déficit assez grave sur [le] périmètre » de la formation et de la reconversion des seniors.

Quel avenir pour la VAE ?

Première victime du désordre des politiques publiques, le service France VAE n’est plus financé. Ce coup de frein brutal laisse à nouveau ce dispositif sans perspective claire. A l’initiative de la fédération professionnelle de la VAE, une pétition a été remise à la ministre du Travail lors de son passage à l’UHFP le 22 janvier dernier.

Par  – Le 03 février 2025. Le quotidien de la formation

Ces dernières années, la Validation des acquis de l’expérience (VAE) souffre d’une feuille de route confuse. Plébiscité mais oublié en 2018, le dispositif retrouve un élan en 2022. Une grande réforme en fait un nouveau service public, un outil de mobilité professionnelle avec la VAE inversée et se fixe pour ambition 100 000 parcours par an d’ici 2027. Trois ans plus tard, le soufflet est retombé. La gouvernance de France VAE ne sera jamais mise en place. Après un lancement enthousiaste, l’expérimentation se poursuit de manière plus erratique. A l’été 2024, la dynamique s’inverse clairement, menaçant les acquis. Suspendues pendant quelques semaines, les candidatures reprennent sur un portefeuille des certifications professionnelles éligibles réduit à 24 titres sur les métiers en tension du soin. Fin octobre, les dés sont jetés. Les architectes accompagnateurs de parcours (AAP) nés avec la réforme de la VAE ont été informés que le financement relèverait désormais du droit commun. Les caisses de l’Etat sont vides.

Une communication brouillonne

Pour les professionnels, c’est la douche froide. D’autant plus que la communication induit en erreur. Les candidats ayant soumis leur dossier avant le 28 octobre devaient continuer à bénéficier de la prise en charge du service public. Début décembre, nouveau message de France VAE excluant les notifications de recevabilités postérieures au 18 novembre. « Nous estimons à plusieurs milliers les candidats laissés ainsi sans solution », déclare Yann-Firmin Herriou, co-fondateur et associé du cabinet Perspectives & Rebonds. Le jour de l’ouverture de l’UHFP à Cannes le 22 janvier, le consultant engagé dans la promotion de la VAE depuis plus de 20 ans, remet en mains propres à la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet une pétition lancée par la fédération professionnelle (FNP VAE) et soutenue par plus de 300 signataires.

Quelles pistes pour sauver France VAE ?

Interpelée, la ministre confirme sa volonté de soutenir la VAE. Pour Yann-Firmin Herriou et la FNP VAE, des avancées réalisées par le projet France VAE doivent être capitalisées. « La plateforme, guichet unique d’initialisation des parcours VAE, est un bon outil qu’il faudrait sanctuariser ». Si le financement des parcours par l’Etat ne semble plus une option, le CPF pourrait en constituer le pivot. La co-construction et la logique d’abondement doivent, là aussi, être favorisées. La question de la gouvernance mérite d’être reposée et revisitée en y intégrant les professionnels de l’accompagnement, les entreprises, les branches professionnelles et les potentiels co-financeurs. Des échanges récents avec le ministère ouvrent des pistes de travail auxquels seraient associés les AAP.

Quid des compétences à l’heure de l’IA

Alors que l’Intelligence Artificielle (IA) connaît une folle expansion et que la concurrence fait rage entre les États-Unis et la Chine, la France stagne, d’après l’Institut de l’entreprise. Ce dernier a conduit, en collaboration avec le cabinet de conseil Mc Kinsey & Company, une étude sur l’impact de l’IA sur la productivité et la compétitivité françaises.

L’IA est présentée ici comme une réponse aux défis économiques structurels français, ainsi qu’« un catalyseur de transformation et un levier de productivité », ce qui n’est pas sans conséquences pour les métiers, au regard des implications sur les compétences dues à l’automatisation.

De fait, les auteurs de l’étude affirment que 27 % des tâches réalisées par les salariés, qu’elles soient de nature analytique ou créative, pourraient être accomplies par l’IA générative d’ici à 2030. Cela concernerait nombre de secteurs – administratif, commercial, technique, artistique, juridique, pédagogique, etc. – et constituerait un appel d’air majeur pour les domaines scientifique, technique, ingénieurial et mathématique, avec une augmentation prévisionnelle de la demande de travailleurs de l’ordre de 16 %.

En parallèle, de 1,2 à 1,7 million de mobilités professionnelles seraient à prévoir – un phénomène d’ampleur analogue à celui observé dans l’Hexagone au moment de la pandémie de Covid-19.

Plus précisément, si l’essor de l’IA pourrait mettre à mal les compétences ayant trait aux aptitudes physiques et manuelles (-2 % à -3 %), cognitives (- 13 %), quantitatives, statistiques et rédactionnelles (de – 18 % à 20 %), il pourrait, dans le même temps, inciter le développement de celles en lien avec la pensée critique, la structuration des problèmes et le traitement d’informations critiques, afin de répondre aux enjeux d’innovation et de différenciation stratégique.

De la même façon, les compétences relationnelles, émotionnelles – telles que le leadership, l’empathie et l’adaptabilité (+ 11 %) – techniques (+ 28 %), informatiques (+ 16 %) et scientifiques pourraient connaître, quant à elles, un regain d’attractivité entre 2022 et 2030, alors même que les dirigeants d’entreprise s’inquiètent de la pénurie des profils technologiques notamment.

L’ensemble de ces projections reste toutefois incertain : il est soumis à différents facteurs, tels que le degré d’exposition, la complémentarité, ainsi que les niveaux de diffusion et d’adoption sociale.

 

Cap Métiers Nouvelle Aquitaine – 31 /01/2025

Lire l’étude.

Le plan d’investissement dans les compétences n’a pas tenu sa promesse, selon la Cour des comptes

Des progrès ont été réalisés en termes d’accès à la formation et de modernisation de l’accompagnement des publics éloignés de l’emploi. Mais l’objectif premier du plan d’investissement dans les compétences (Pic) qui était de transformer de manière structurelle le système de la formation n’a pas été atteint. Dans un rapport publié le 28 janvier, la Cour des comptes porte un regard très critique sur le plan de 15 milliards d’euros lancé en 2018 pour « édifier une société de compétences. »

Par  – Le 30 janvier 2025. Le quotidien de la formation

Un plan de financement de la formation professionnelle et de retour à l’emploi presque comme les autres. C’est ce qu’aura été le plan d’investissement dans les compétences (Pic) selon la Cour des comptes. Dans un rapport publié le 28 janvier, l’autorité financière dresse un bilan très sévère du programme déployé à partir de 2018 par le gouvernement dans le cadre de son Grand plan d’investissement, pour combler les faiblesses de la France en matière de compétences et améliorer ses performances économiques. Malgré des moyens importants – 14,6 milliards d’euros sur cinq ans – le Pic, n’a pas atteint l’objectif initial de « transformation structurelle et globale » du système de la formation, préconisée par l’économiste Jean Pisani-Ferry pour « édifier une société de compétences » et « penser la formation comme un capital humain à enrichir tout au long de la vie ».

Préserver des dispositifs existants

« Faute d’un travail interministériel de cadrage budgétaire, de définition d’objectifs et de publics précis, le Pic est devenu un plan de financement de la formation professionnelle des publics éloignés de l’emploi semblables aux précédents plans », note la Cour des comptes. Dans le détail, le volet national du Pic qui a mobilisé la moitié des crédits a surtout servi à « préserver les dispositifs de droits communs préexistants », même si de nouveaux leviers d’accès à la formation et à la qualification ont vu le jour grâce à des appels à projets et à des expérimentations. L’autre moitié des crédits a été consacrée au volet territorial du plan, formalisé par des pactes signés avec les Régions. Ces « Pric » ont permis d’encourager le soutien des conseils régionaux en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi, mais ils n’ont pas été suffisamment encadrés et articulés avec les actions menées au niveau national, estiment les magistrats de la Cour des comptes. Selon eux, ces pactes régionaux n’ont été qu’une « réédition plus aboutie » du « plan  500 000 » déployé en 2016-2017.

Des effets positifs sur l’accompagnement et la formation

Si les objectifs de transformation structurelle ont été abandonnés, le Pic a tout de même eu des répercussions positives au regard des priorités plus immédiates d’accompagnement des jeunes décrocheurs et des demandeurs d’emploi de longue durée. Dans son rapport, la Cour des comptes admet que les moyens inédits consacrés à la formation ont permis « d’engager une modernisation et une individualisation des modalités d’accompagnement des publics éloignés de l’emploi ». Ces innovations portées par le haut-commissariat aux compétences et encouragées dans les procédures d’achat des Régions et de France Travail se sont traduites par une évolution des pratiques. « L’approche des conseillers emploi-formation et des formateurs, auparavant centrée sur une remise rapide à l’emploi par des formations courtes, a commencé à intégrer la nécessité de favoriser des parcours professionnels plus construits et adaptés, pouvant déboucher sur des emplois plus durables. »

Des effets sur les parcours difficiles à mesurer

Malgré ces avancées, il reste un point noir : le manque de données sur l’impact qu’a pu avoir le Pic sur les publics cibles. Certes les entrées dans les dispositifs de formation ou d’accompagnement ont fortement augmenté ces dernières années : elles sont passées de 801 000 en 2017 à 1,6 million en 2022. Le Pic a lui seul n’explique pas tout, selon la Cour des comptes qui pointe aussi les effets du CPF que les demandeurs d’emploi ont pu mobiliser de façon autonome. « Il existe même un effet de substitution entre le CPF et des formations jusque-là dispensées par France Travail ». Multiplication de dispositifs concurrents, objectifs imprécis, disparité des indicateurs de suivi… : autant de facteurs qui compliquent l’évaluation du Pic. Si l’accès à la formation des demandeurs d’emploi de longue durée et des bénéficiaires du RSA s’est amélioré, l’effet du plan d’investissement et de ses déclinaisons régionales s’avère difficile à démontrer, regrette la Cour des comptes.

Prévue initialement pour la période 2018-2022, le Pic a été prolongé d’un an avant d’être reconduit sur la période 2024-2027 dans une version moins ambitieuse que celle affichée en 2018. Cette seconde édition « ne repose que sur des pactes régionaux semblables aux précédents et au « plan 500 000 » », remarque la Cour des comptes qui préconise tout de même de structurer la gouvernance pour assurer la coordination des actions. Reste à savoir quels moyens seront alloués au Pic cette année et les suivantes…

 

Les recommandations de la Cour des comptes 

  • Dans le cadre de plans de réforme pluriannuels à caractère d’investissement produire systématiquement les documents (étude d’impact, recueil des besoins, déclinaison budgétaire) permettant de traduire, dans les engagements annuels de l’Etat, les ambitions transformatrices de ces plans ;
  • Assurer un suivi historicisé de l’enrichissement des formations existantes et des formations nouvelles relatives aux transitions écologique et numérique ;
  • Organiser la gouvernance pour assurer la coordination des actions prévues dans les Pactes régionaux d’investissement dans les compétences 2024-2027 ;
  • Elaborer une méthode commune de diffusion des bonnes pratiques locales et nationales recensées entre 2018 et 2023 ;
  • Accélérer le déploiement des outils de pilotage et d’évaluation des parcours de formation des bénéficiaires du RSA.

La VAE attend toujours son service public

Créé fin 2022 pour simplifier l’accès à la validation des acquis de l’expérience (VAE), le service public de la VAE, censé être universel, n’existe que pour 24 diplômes. Sans budget dédié depuis novembre 2024, France VAE ne peut assister des centaines de candidats et leurs accompagnants.

Par Emmanuel Franck – Le 13 janvier 2025.  Le quotidien de la formation

En 2025, tous les actifs peuvent s’inscrire sur France VAE en vue d’obtenir, par validation de leur expérience professionnelle, une des certifications enregistrées au RNCP, et bénéficier de l’accompagnement d’un architecte accompagnateur de parcours (AAP). C’est en tous cas le principe du service public de la validation des acquis de l’expérience (VAE) créé par l’article 10 de la loi du 21 décembre 2022 sur le marché du travail et son décret du 27 décembre 2023. L’idée du législateur est de simplifier la VAE, afin de la rendre moins complexe et rébarbative pour les candidats. Au moment du vote de la réforme, seules 30 000 personnes bénéficiaient d’une VAE chaque année ; 70% abandonnaient en cours de route. En créant un service public, le gouvernement espérait susciter 100 000 VAE d’ici 2027.

24 diplômes accessibles
Cet objectif paraît actuellement inatteignable. Car dans la pratique, seuls 24 diplômes sont accessibles depuis France VAE. Et pour connaître la liste et s’apercevoir qu’elle ne couvre que les secteurs de la santé, du sanitaire et du social, il faut aller chercher dans la foire aux questions. « Prochainement, d’autres diplômes seront accessibles sur France VAE », promet néanmoins le site. On est donc loin de l’universalité promise par la loi, qui prévoyait que ce service public soit porté par un groupement d’intérêt public, toujours pas créé. C’est moins, également, que les 217 certifications couvertes il y a encore un an par la version expérimentale de France VAE.

Les candidats doivent puiser dans leur CPF

Côté financements, le candidat actuel à la VAE ne pourra compter que ce que prévoit le droit commun : son congé VAE de 48 heures, son compte personnel formation (CPF), d’éventuels abondements de son employeur, de son opérateur de compétences (Opco), de la Région ou de France Travail s’il est demandeur d’emploi. Pourtant, jusqu’au 28 octobre 2024, « les candidats inscrits pouvaient faire financer leur VAE par France VAE via Uniformation », l’Opco de la cohésion sociale, rappelle Jacques-Alexandre Habif, co-fondateur du cabinet Perspectives & Rebonds et architecte accompagnateur de parcours (APP). Mais les moyens n’ont pas suivi. Le budget dédié à France VAE en 2023 et 2024 n’a pas été reconduit. Fin 2024, les caisses étaient donc vides. « Début décembre 2024, nous nous sommes rendu compte qu’Uniformation refusait de financer les dossiers qui lui étaient parvenus après le 18 novembre », raconte-il. Il estime que 3 000 inscrits à qui France VAE avait promis un financement ont été orientés vers les solutions de droit commun.

Pétition des APP

Quant aux architectes accompagnateurs de parcours, ils ont dû hausser le ton pour se faire rembourser les frais qu’ils avaient avancés pour faire démarrer ce dispositif. Après une pétition au printemps 2024, France VAE a finalement « commencé à régler ce qui était dû aux AAP », signalent les pétitionnaires. « France VAE n’a jamais eu de communication claire auprès des APP. Nous avons toujours été mis devant le fait accompli », regrette Jacques-Alexandre Habif. Il estime que « cette réforme a beaucoup coûté aux candidats et aux architectes accompagnateurs, en temps, en confiance et en argent ». Reste qu’elle a quand même permis de simplifier le parcours administratif des candidats.