Vers une certification Qualiopi à deux vitesses ?

En application du décret encadrant la sous-traitance sur le marché du CPF, une nouvelle version du guide de lecture Qualiopi met en musique les modalités d’audit adaptées aux organismes sous-traitants. Sa mise en œuvre suscite des questions et interroge le modèle économique des donneurs d’ordre.

 

La dernière mesure de régulation du marché CPF serait-elle celle de trop ? Publié fin décembre, le décret encadrant la sous-traitance sur la plateforme soulève des interrogations et des incertitudes sur sa mise en oeuvre. Certificateurs et prestataires de formation tentent de s’approprier la nouvelle réglementation et d’en mesurer les implications. Tous pointent sa complexité. Au fil des webinaires, les experts mettent en avant sa complexité. Difficile en effet de s’y retrouver entre les dérogations liées statuts du sous-traitant et les obligations à respecter dans certaines conditions liées à la nature de ses missions en matière de qualité et d’habilitation auprès des certificateurs des deux répertoires nationaux des certifications professionnelles. Inscrite dans les modèles économiques de la plupart des organismes de formation, la sous-traitance revêt des réalités disparates.  Dans le souci de ne pas déstabiliser le marché, les textes perdent en lisibilité. Pour y voir plus clair, tous attendent les FAQ (Foire aux questions) du ministère du Travail et de la CDC qui tardent à être publiées. Directement impactée par ces nouvelles dispositions de régulation, la certification Qualiopi évolue, une fois de plus, avec la publication début janvier d’une 9éme version de son guide de lecture, moins de deux mois après celle de la V8. Or, à compter du 1er avril, les sous-traitants concernés devront obtenir ce sésame. Le calendrier est serré. Les certificateurs se préparent. « Notre activité est très dense en ce début d’année. Nous entrons dans la phase de renouvellement pour beaucoup de nos clients et, parmi les demandes d’audit initial, 40% émanent de sous-traitants », confirme Jimmy Martin, co-fondateur de Certifopac.

 

Par  – Le 12 février 2024. Le Quotidien de la formation

Création d’un Qualiopi sous-traitant

Pour adapter les process d’audit à ce nouveau profil d’organisme de formation, le référentiel national unique a dû être « revisité ». Les trois premiers indicateurs relatifs à l’information du public et à la diffusion des résultats des formations ne s’appliquent pas aux sous-traitants, d’autres sont obligatoires, d’autres encore sont audités en fonction du contrat de sous-traitance, d’autres, enfin, portent des exigences spécifiques liées aux relations du sous-traitant avec son donneur d’ordre.  « Le référentiel a été conçu, dans sa nature intrinsèque, pour les donneurs d’ordre. Pour le rendre applicable aux sous-traitants, la V9 aménage les modalités d’audit et exclut certains indicateurs, mais crée davantage de complexité dans la conduite de l’audit par l’auditeur (audit 100% donneur d’ordre, audit 100% sous-traitant ou mixte) », note Jimmy Martin. Pour autant, le certificat de ce Qualiopi sous-traitant n’affiche aucune mention particulière indiquant le périmètre sur lequel il a été audité, contrairement aux 4 catégories couvertes par la certification (action de formation, bilan de compétences, VAE et l’apprentissage). Durant les 18 mois qui le séparent de l’audit de surveillance, le sous-traitant passe en quelque sorte sous les radars avec, en poche, la clé qui lui ouvre potentiellement les marchés des fonds mutualisés et publics.

Un nouveau rapport de force entre donneurs d’ordre et sous-traitants

Les donneurs d’ordre s’inquiètent. Les dérives du portage Qualiopi observées sur la plateforme CPF ont mis en lumière le manque de transparence et les risques d’une sous-traitance hors de contrôle. En soumettant les sous-traitants aux mêmes obligations que les donneurs d’ordre et en formalisant le contrat de sous-traitance, le décret bouleverse les rapports de force. Dans un secteur dominé par le recours à des prestataires extérieurs, les répercussions pourraient provoquer des changements plus profonds. Un sous-traitant amené à s’engager dans la démarche Qualiopi et, dans certains cas, dans une procédure d’habilitation à dispenser des formations certifiantes se posera des questions sur sa stratégie et choisir de se positionner directement sur le marché, devenant ainsi un concurrent aux donneurs d’ordre. Un mouvement qui pourrait s’élargir au delà du CPF.  Certes tous ne passeront sans doute pas à l’acte mais ils gagneront en poids et en reconnaissance. « Cela modifie les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants et pourrait engager un mouvement de transformation des modèles économiques », déclare François Galinou, président de l’ICPF.

L’Afpa en première ligne sur la réforme de la VAE

Membre de droit de la gouvernance de France VAE, l’Afpa mobilise également une centaine d’architectes accompagnateurs de parcours sur la plateforme. Pierre angulaire de parcours simplifiés et sécurisés, ce nouveau métier implique une évolution de leurs compétences et des process. Pour accompagner cette réforme, un projet de transformation a été engagé.

 

Par  – Le 08 février 2024.

En 2024, le big bang de la VAE voulu par le gouvernement passe progressivement à l’échelle. La création de ce nouveau service public, la logique de plateforme et le renforcement de l’accompagnement des candidats changent la donne pour les acteurs de la VAE. Parmi eux, plus de 600 architectes accompagnateurs de parcours (AAP) se positionnent déjà sur un marché appelé à se développer d’ici 2027 pour atteindre 100 000 parcours par an. Dans le déploiement de cette réforme, l’Afpa y tient une place particulière. Investi dans les expérimentations Reva et très actif depuis le lancement de la phase de préfiguration, l’établissement public fait partie des membres de droit de la gouvernance de France VAE. Mais son implication ne s’arrête pas là. Une centaine de ses conseillers VAE présents sur tout le territoire sont référencés en tant qu’AAP sur le portail France VAE. Leur activité jusqu’ici centrée sur les titres professionnels du ministère du Travail enregistrait une baisse structurelle. Sur les quelques 150 000 diplômes délivrés par l’Afpa chaque année, seuls 5% à 8% étaient ainsi obtenus par la voie de la VAE. Ce niveau a même atteint le plancher historique de 1% en 2022. Avec la réforme du dispositif, ce rythme devrait s’accélérer et le champ des certifications professionnelles s’élargir.

Les nouvelles compétences du métier d’AAP

L’Afpa ne sous-estime pas les changements induits par la création de France VAE. « Nous accompagnons la transformation. Au-delà de l’adaptation de nos process et de notre système d’information à la nouvelle plateforme, nous organisons la montée en compétences de nos architectes accompagnateurs de parcours », confirme Noreddine Abidi, responsable projet VAE au sein de l’Afpa. Entièrement dématérialisées les démarches réalisées par les AAP comme celles des certificateurs devront respecter le cahier des charges du portail. Au cœur de la réforme, l’accompagnement renforcé des candidats financé par l’Etat fait de la VAE un droit universel. En contrepartie, les AAP devront répondre à certaines obligations comme celle de l’obtention de la certification qualité Qualiopi et aux conditions générales d’utilisation (CGU). « La réforme de la VAE donne davantage de responsabilités à l’AAP. Il peut prescrire des actes formatifs et gère un budget », note Noreddine Abidi. Les différentes étapes structurent les parcours. Dans la phase de préfiguration, des niveaux de prise en charge sont appliqués : un forfait de 300 euros pour le positionnement, un tarif de 70 euros de l’heure pour un acte formatif individuel et de 35 euros de l’heure pour un acte formatif collectif. Ces derniers, à distinguer de modules de formation classiques dans le cadre d’un parcours mixte visant un nouveau bloc de compétences, consolident les acquis de l’expérience professionnelle du candidat.

Vers un outil de transitions professionnelles

Cette prescription peut concerner les compétences numériques ou dans certains secteurs, comme celui du sanitaire et social, des formations réglementaires.  Au-delà de sa connaissance fine des référentiels de certification, un AAP doit donc connaître l’offre de formation dans les territoires et pouvoir proposer les modalités de ces actes formatifs (Afest, périodes d’immersion dans les entreprises…) les plus adaptées.  « Déterminante pour la réussite du parcours, l’étape du positionnement est au cœur du métier de l’AAP », déclare Noreddine Abidi. Avec France VAE, le conseiller VAE devient un maître d’ouvrage, un maître d’œuvre et un gestionnaire. La réforme n’en est qu’à ses prémices. « Le dispositif de France VAE revient sur l’esprit de validation des acquis de l’expérience, facilite et sécurise les démarches. A partir de ce socle, la VAE pourra s’inscrire dans de véritables parcours de transitions professionnelles », se projette Noreddine Abidi. Le gouvernement ne s’en cache pas. La VAE aura un rôle à jouer face aux enjeux des métiers en tension et de la transformation des compétences. La composition du groupement d’intérêt public reflète cette volonté politique. Membres de droit du groupement d’intérêt public, France Travail, les opérateurs de compétences, les associations Transitions Pro ou encore les régions auront à s’approprier la nouvelle configuration de la VAE afin de l’intégrer au sein de politiques publiques ou de politiques de branche.