La VAE (validation des acquis de l’expérience) peine à décoller malgré sa dernière réforme en 2022 : 20 000 diplômés par an depuis sa création en 2002 et un taux de déperdition proche de 30% entre la recevabilité du candidat et la certification. Pour attaquer le dernier kilomètre de la réforme, la ministre de l’Education nationale Élisabeth Borne et la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet ont convoqué un comité stratégique mardi 22 juillet.
Par Valérie Grasset-Morel – Le 23 juillet 2025. Le quotidien de la formation
La réforme de la VAE (validation des acquis de l’expérience) entrée en vigueur en 2022 connaît une nouvelle étape. Après avoir publié au Journal officiel deux textes essentiels pour fluidifier les démarches et leur financement (l’arrêté du 3 juillet 2025 qui encadre les missions des AAP/architectes accompagnateurs de parcours et le décret n°2025-663 du 18 juillet rendant éligible au compte personnel de formation l’ensemble du parcours VAE à compter du 1er août prochain), le Gouvernement a réuni le premier comité stratégique sur la VAE le 22 juillet.
Le comité stratégique en lieu et place du GIP
Ce comité organisé sous l’égide de la ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur Élisabeth Borne et de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, avait pour objectif de dresser un état des lieux de la mise en œuvre de la réforme de la VAE de 2022 et de l’accélération de sa transformation opérationnelle depuis le début de l’année 2025. Il est composé notamment des certificateurs publics, des Régions, de France Travail, des branches professionnelles et des opérateurs de compétences. Un second comité stratégique aura lieu fin 2025. Et la proposition des ministres est de travailler à l’avenir sous cette forme « sans qu’il soit nécessaire de passer par un GIP (groupement d’intérêt public) » censé porter le service public de la VAE (France VAE) créé par la loi du 21 décembre 2022 sur le marché du travail. « Avoir un comité stratégique très concret, opérationnel, avec tous les acteurs autour de la table, c’est peut-être plus efficace et moins coûteux qu’un GIP », souligne la ministre du Travail.
18 000 nouveaux candidats engagés dans une démarche VAE depuis janvier
Pourquoi réformer la VAE ? Pour Élisabeth Borne, force est de reconnaître que le dispositif, « qui a plus de 20 ans, était devenu assez obsolète, avec des démarches administratives très longues, des parcours qui duraient en moyenne 18 mois et seuls 10 % de ceux qui s’engageaient dans ces parcours qui accédaient finalement au diplôme visé. » Mais « si la VAE reste aujourd’hui difficile à mobiliser pour de nombreux salariés et d’entreprises », les évolutions apportées au dispositif depuis le début de l’année se traduisent dans les chiffres selon le ministère du Travail. Le portail France VAE est désormais accessible à « 570 certifications (contre 23 en janvier 2025) qui représentent plus de 80 % des diplômes recherchés par les candidats et à la fin de l’année, ce sera 100 % ». De plus, « 18.000 nouveaux candidats ont commencé un parcours depuis janvier sur France VAE, dont 15 % sur les certifications intégrées entre février et juin, ce qui laisse augurer 20 000 diplômés par cette voie fin 2025 ». Un mouvement qui devrait être facilité par l’engagement renforcé des ministères certificateurs, à l’instar du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, qui devrait selon la ministre inscrire sur France VAE tous ses diplômes – du CAP aux BTS en passant par les bac pro- d’ici à la fin de l’année. Si les ministres se refusent à fixer des objectifs purement quantitatifs, l’ajout de nouvelles certifications, dont celles de l’Éducation nationale qui représentent 60 % des demandes de parcours VAE selon Élisabeth Borne, suscitent l’espoir d’un renforcement de l’attractivité du dispositif.
Lever les derniers freins
L’accélération de la réforme de la VAE souhaitée par le Gouvernement s’inscrit dans son objectif général de « travailler tous, davantage et mieux » et repose sur trois finalités : accroître le taux d’emploi, favoriser la progression salariale et élever le niveau global de qualification et de productivité. Afin de lever les derniers freins à l’essor de la VAE et mieux faire connaître cette démarche à vocation universelle, les deux ministres entendent agir à deux niveaux : avant et pendant la VAE. L’avant consiste à « démocratiser l’entrée dans le processus et le rendre incitatif ». Pour cela, une communication « forte et ciblée » va être conduite sur le terrain par les Régions, France Travail et les branches, notamment auprès des publics prioritaires (salariés peu qualifiés, chômeurs, actifs en reconversion, métiers réglementés).
La ministre du Travail réaffirme aussi l’intérêt des VAE collectives, qui donne la possibilité aux entreprises « de s’engager dans un projet de transformation et d’évolution des compétences vers de nouveaux métiers, au sein même de l’entreprise. »
France VAE, le point d’entrée unique
Le 2e axe de travail consiste à centraliser l’information et simplifier l’accès à la plateforme France VAE pour en faire le point d’entrée unique pour tous les actifs, employeurs et certificateurs. « La force de cette plateforme, c’est la flexibilité qu’elle apporte, y compris dans les financements et les solutions proposées », souligne Astrid Panosyan-Bouvet. Gros bémol à la mise en œuvre effective du service public de la VAE : l’accès des agents publics à la plateforme n’est pas prévu avant la fin de l’année 2025.
L’élargissement de l’accès au financement des coûts d’accompagnement et de jury constitue le 3e axe de travail déjà engagé depuis la publication du décret n°2025-663 du 18 juillet rendant éligible au CPF la totalité du parcours VAE, de l’aide avant dépôt du dossier jusqu’au coût du jury. En outre, les nouveaux services mis à disposition des financeurs facilitent l’abondement et la dotation des demandeurs d’emploi (par les Régions et France Travail) et des salariés (employeurs et Opco).
Dossiers 100% dématérialisés
Agir « pendant » le parcours VAE consiste à « simplifier et fluidifier les parcours », ce que prévoyait la loi de 2022 mais qui n’a pas été rendu effectif en raison de « l’éclatement des systèmes de certification ». La VAE est désormais accessible sans exigence de durée minimale d’expérience, la durée du congé VAE a été doublée (de 24 à 48h), et la transmission des dossiers de recevabilité et de validation est simplifiée, « digitalisée et envoyée en un clic au certificateur ».
Autre avancée : « la garantie d’un accompagnement de qualité » par un AAP, rendue possible grâce à l’harmonisation de cet accompagnement prévu par l’arrêté du 3 juillet dernier. Cette homogénéisation de l’accompagnement s’ajoute aux exigences Qualiopi.
Au moins quatre jurys par an
Encore trop souvent, le nombre de jurys est insuffisant ce qui ralentit les délais de validation et annule les bénéfices de la démarche de VAE pour obtenir une certification autrement que par la formation. « Nous allons passer un cap important, indique l’entourage d’Astrid Panosyan. Les délais des jurys doivent être prévisibles et réduits. » Pour cela, tous les certificateurs présents sur France VAE (près de 60 aujourd’hui) devront signer une charte dans laquelle ils s’engageront à communiquer les coûts éventuels des jurys ainsi qu’à organiser au moins quatre jurys par an, dimensionnés selon le nombre de candidats (quelques dizaines dans les diplômes industriels et des centaines dans le sanitaire et social).
La digitalisation des procédures doit permettre aux certificateurs de « réaffecter le temps administratif à du temps d’organisation des jurys ». À ce titre, une task force travaille actuellement à la fluidification du passage devant le jury pour des candidats à des certifications particulièrement demandées dans les secteurs réglementés de la petite enfance et du sanitaire et social. L’objectif est de lui permettre d’obtenir la certification dans un délai compris en six et huit mois.