Commentaires vignette 7 – Appui social Jour 1

L’apparition d’un mot comme « accompagnement », sa circulation accélérée en d’innombrables domaines n’est pas sans poser problème. Car si ce mot n’est ni une manipulation de mode, ni un mot valise (où chacun met ce qu’il veut), le mot sert alors à tout le monde car il ne gêne personne. Indique-t-il la création d’une nouvelle pratique sociale ? Au fond, souvent le mot « accompagnement » est utilisé comme pour neutraliser tout ce qui pourrait être compris comme guidage, pilotage, tutelle et indique une crainte d’influence normative.
Face aux violences, aux souffrances, aux urgences, la société n’a cessé d’inventer des pratiques
pour tenter de remédier aux conséquences néfastes de la modernité.

Dès le latin classique, conseil, Consilium avait trois sens :
1° Avis, indication donné à quelqu’un sur ce qu’il doit faire.
2° Délibération, plan, projet, résolution mûrement pesée.
3° Réunion de personnes qui délibèrent.
Le conseil est trop longtemps resté coincé entre « situation d’examen psychologique » ou « psychothérapie au rabais ». Le conseil a une fonction exceptionnelle dans une société. Ce qu’il offre ne se trouve nulle part ailleurs : la possibilité de travail du sens, du savoir et du jugement personnel confronté à la réalité sociale, et cela dans un service désintéressé. Tenir conseil est une méthode d’action pour faire face à l’événement, pour fonder une décision, pour innover face à l’inconnu. Ce n’est pas seulement quand ça va mal que le conseil a du sens. On tient conseil pour inventer l’avenir. Le recours au conseil n’est pas l’aveu d’une faiblesse, mais au contraire la construction de l’intelligibilité de la situation, l’intelligence de l’agir.
Tenir conseil c’est créer une posture de veille, de vigilance pour la personne en questionnement, c’est fortifier son propre conseil, c’est s’approprier ses propres actes. Cela rejoint la conviction socratique qu’une « vie sans examen ne vaut pas d’être vécue ».
Tenir conseil, c’est pouvoir prendre appui sur soi-même, demeurer auprès de son expérience, en maintenant un équilibre entre l’ouverture à ce qui est nouveau, la confiance en ses compétences, l’appropriation de ses actes, sans devenir étranger à soi-même en apprenant une langue ésotérique ou abstraite.
Tenir conseil, c’est créer, par la connaissance et le jugement, de nouvelles conduites. Cela n’est possible qui si une relation réelle est créée, dialogique, et si le travail du temps est respecté.
Tenir conseil, c’est construire sa conduite, l’art de se conduire, l’art le plus nécessaire que nous laissons trop souvent à l’indigente juridiction de nos ignorances. Et pourtant, impossible d’empêcher chaque conduite de faire sens.
Tenir conseil est acte de confrontation avec soi, avec autrui, avec une situation, avec des institutions au présent. Confrontation n’est pas affrontement mais lutte pour le sens (dialogue), reconnaissance des différences et un vrai travail de production de soi, de construction
identitaire . La confrontation a une fonction formative dans l’examen critique des points de vue différents, des langages différents.
Tenir conseil est acte d’autonomisation, d’ émancipation .
– La centration du conseil, c’est :
a) l’agir sensé : Tenir conseil, c’est travailler à rendre signifiante pour l’acteur, une action efficace. Cet accent sur
l’agir sensé peut seul valider en définitive, la démarche autonomisante d’un individu responsable.
C’est l’action qui est formatrice. La connaissance ne suffit pas. Dévoiler la réalité ne conduit pas nécessairement à la transformer.
b) en situation : La personne n’existe qu’en situation, dans un réseau d’interactions. Une situation n’est pas une accumulation d’éléments, mais une articulation dynamique de ces éléments. Si la situation est un système de contraintes et de ressources, d’appuis et d’obstacles, la situation n’est pas l’environnement mais la résultante, à un moment donné, des éléments du contexte retenus par la personne et articulés par elle comme un ensemble signifiant (par des valeurs, des normes, des projets). Toute une méthodologie de l’analyse situationnelle est donc à créer intégrant les représentations
et les déterminations de la situation autant que ses valorisations et ses organisations (ou désorganisations) actuelles. Le tenir conseil ne prend complètement forme que par ce travail de la situation
c) d’une personne (ou des personnes) en devenir : tout agir sensé est celui d’une personne en devenir (on ne peut ignorer la diversité des théories de la personnalité, la multiplicité des concepts particuliers utilisés pour décrire et expliquer des dimensions de la personnalité).

Une démarche ne peut pas être morcelée. Il y a besoin de démarche parce que tenir conseil n’est pas un travail en miettes, un saupoudrage
d’informations ou une juxtaposition d’opérations non coordonnées. La démarche est un fil d’Ariane, un fil rouge qui nous guide à travers la complexité d’une
situation, qui garantit la pertinence et la cohérence de l’ensemble du travail et est suffisamment souple pour pouvoir évoluer.